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Gentleman Jack

LGBT, littérature, Séries TV, films, poèmes, les lesbiennes qui ont marqué l'histoire

Djuna Barnes, portrait

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Nom : Djuna Budington
Pseudonyme :  Djuna Barnes
Parents :  Henry Aaron Budington (artiste) - Elizabeth J. Chappell
Famille : 7 frères et soeurs
Date de naissance :  12 juin 1892
Lieu de naissance : Storm King (New-York)
Date de décès :  18 juin 1982
Lieu de décès : New York (Etats-Unis)
Nationalité : Américaine
Conjoints : Percy Faulkner, Thelma Wood
Amantes/Amants : Natalie Barney, Jane Heap, Emily Coleman, Peggy Gugenheim, Ernst Hanfstaengl, Courtenay Lemon, Mary Pyne Kemp
Etudes : Beaux arts
Métier : Auteure, journaliste

 

 

Djuna Barnes, en 1914
Djuna Barnes, en 1914 à l'âge de 21 ans

 

  ENFANCE

Djuna Budington nait un 12 juin 1892 dans la cabane en rondins à deux étages construite par son père sur le domaine de son frère et qui se trouve sur le mont Storm King, près de la ville de Cornwall-on-Hudson, dans l’État de New York.

Son père est Henry Aaron Budington, ou de son pseudo, Wald Barnes, un compositeur, musicien et peintre qui ne rencontre guère le succès. Sa mère, Elizabeth J. Chappell est femme au foyer. La plus célèbre finalement à cette époque dans la famille est sa grand-mère, Zadel Barnes Gustafson, journaliste, écrivaine et militante du droit de vote des femmes qui était connue pour avoir tenue un salon littéraire influent.
Djuna voit le jour dans une famille étrange. Son père, en effet, est polygame et vit avec Elizabeth qu'il a épousé en 1889 et sa maitresse qu'il a installé chez eux, Frances "Fanny" Clark en 1897 alors que Djuna vient d'avoir cinq ans.
Djuna aura quatre frères : Thurn, Zendon, Saxon, Shangar et quatre demi-frères et sœurs du côté de Fanny : Duane, Brian, Muriel et Sheila. Wald Barnes, n'est pas un génie et a du mal à subvenir aux besoins de sa grande famille, c'est donc sa mère, Zadel qui prend en charge tout ce beau monde.

Zadel Barnes Gustafson, la grand-mère de Djuna Barnes
Zadel Barnes Gustafson, la grand-mère de Djuna

 Djuna étant la seconde enfant de la famille, le rôle de s'occuper de ses frères et sœurs lui échoie en priorité. Elle ne va pas à l'école mais reçoit une éducation à la maison dispensée par son père et sa grand-mère qui lui enseignent l'écriture, l'art et la musique, mais négligent le reste comme l'orthographe et les mathématiques. 

 

 LE VIOL

 A l'âge de 16 ans, Djuna est peut-être violée, sûrement par un voisin mais elle n'en parlera jamais. Elle en fera cependant part au travers d'un de ses écrits, dans son premier roman "Ryder", mais aussi dans sa dernière pièce, "The Antiphon". Dans un premier temps, les lettres sexuellement explicites dans les correspondances de sa grand-mère (avec qui elle a partagé son lit pendant plusieurs années) ont laissé suggérer de l'inceste, mais finalement, Zadel est mise hors de cause et l'histoire du voisin réapparait. On n'en saura pas plus, car Djuna Barnes ne finira jamais son autobiographie et ce fait n'aura pas été évoqué à l'intérieur.

 

Djuna Barnes en 1914, New York
Djuna Barnes en octobre 1914, New York
 UN COURT MARIAGE et DEMENAGEMENT

Nous sommes en 1910, Djuna, pressée par sa famille, épouse à contrecœur, Percy Faulkner, le frère de la maitresse de son père, Fanny. Djuna n'a pas encore 18 ans et lui est âgé de 52 ans. Elle ne l'aime pas et décide donc au bout de deux mois de le quitter. Moins de deux ans plus tard, la situation de la famille Barnes périclite. Confrontée à la ruine financière, elle explose. En 1912, sa mère emménage à New York et se sépare d'Henry à qui elle accorde le divorce pour qu'il puisse épouser Fanny. Djuna va suivre sa mère ainsi que ses trois frères (un est mort).

 

 LE JOURNALISME

Ce déménagement donne à Djuna l'opportunité d'étudier à l'école pour la première fois et elle fréquente alors le Pratt Institute durant six mois de 1912 à 1913, puis l'Art Student de New York de 1915 à 1916. Mais la famille ayant peu de moyen, il lui faut travailler, ce qui l'oblige à quitter les cours pour prendre un emploi de reporter au Brooklyn Daily Eagle. Lors de son arrivée au journal, Djuna qui se fait dorénavant appeler Djuna Barnes déclare :  "Je peux dessiner et écrire, et vous seriez un imbécile de ne pas m'embaucher", des mots qui ont été inscrits à l'intérieur du Brooklyn Museum.

Une du journal Brooklyn Eagle, novembre 1917
Une du journal Brooklyn Eagle, novembre 1917

Les reportages de Djuna Barnes apparaissent également dans de nombreux journaux de New York, dont le New York Press, The World et McCall's. Pour ces quotidiens, elle rédige des interviews, des critiques de théâtre qu'elle illustre de ses propres dessins. Se mettant à l'écriture, elle réussie à publier quelques nouvelles dans le supplément dominical du New York Morning Telegraph et Pulp All-Story Cavalier Weekly.
Dans ses reportages, elle s'immerge notamment dans différentes expériences dans le domaine de la boxe où elle imagine une femme lors des combats et pose la question " Que veulent les femmes lors d'un combat ? ", au champion de poids lourd Jess Willard.

 

 COMMUNAUTE BOHEME et 1ère PUBLICATION

En 1915, Djuna Barnes quitte l'appartement familial pour prendre un appartement à Greenwich Village. Elle rencontre une communauté florissante d'artistes et d'écrivains bohémiens qu'elle rejoint. Parmi son cercle social, on compte Edmund Wilson, Berenice Abbott, la poétesse dadaïste Elsa Von Freytag-Loringhoven
Elle se fait publier par Guido Bruno qui édite des magazines et des livres de poche à Washington Square. L'homme n'a pas peur de la censure et cela tombe bien, car le recueil "Rythmes et dessins" de Barnes décrit notamment des rapports sexuels entre femmes dans le premier poème.
A une époque où le lesbianisme aux États-Unis est pratiquement invisible dans la culture américaine, la New York Society for the suppression of Vice. La ligue n'a visiblement pas perçu ce qu'elle tentait de dire dans son recueil. Son éditeur lui, l'a au contraire bien compris et augmente le prix du livre le passant de quinze à cinquante cents.
Par la suite, Djuna rencontre les éditrices de la Little Review, Margaret Anderson et Jane Heap, avec qui elle a une liaison. Dans les lettres de Djuna à une amie, écrites en 1938, Jane Heap est qualifiée de "merde", ce qui indique peut-être que la liaison s'est mal terminée.
 

Djuna Barnes et Mirna Loy par Man Ray
Djuna Barnes et Mirna Loy par Man Ray


Man Ray, constatant lui aussi cette affinité, demande s'il peut photographier les deux femmes ensemble. "Elles étaient des sujets étonnants", se souvient-il en se rappelant de la séance. Des années plus tard, Djuna écrira à Mina : "Je pense souvent aux moments agréables que nous avons eus, te souviens-tu, quand il y avait un feu & que je lisais à haute voix et que tu faisais des mots croisés ?". Mina, pour sa part, notera dans ses journaux intimes la loyauté de Djuna en tant qu'amie, rappelant également sa "suprême élégance vestimentaire".

Djuna Barnes rejoint également les membres des Provincetown Players, un collectif de théâtre amateur dont l'accent est mis sur le succès artistique plutôt que commercial ce qui correspond bien à ses propres valeurs, peut-être en ayant vu son père artiste ne vivant pas de son art. Le théâtre de la troupe est une ancienne écurie reconvertie avec des bancs et une petite scène. Là, la troupe propose des œuvres de Susan Glaspell, Edna St. Vincent Millay, et Eugene O'Neill. Trois pièces de Djuna Barnes, écrite en un acte vont y être présentées entre 1919 et 1920. Une quatrième pièce, The Dove, va être créée au Smith College en 1925 et une série de courtes pièces réunies va être publiée dans des magazines sous le pseudonyme de Lydia Steptoe Barnes. Pour écrire ces pièces, Djuna Barnes s'est notamment inspirée du dramaturge irlandais J.M. Synge dont elle reconnaissait la qualité poétique du langage et le pessimisme de sa vision. Elle rangera plus tard ces pièces dans la catégorie "simples œuvres de jeunesse".

 

Ernst Hanfstaengl-Mary Pyne Kemp
Ernst Hanfstaengl et Mary Pyne Kemp
 FIANCAILLES et BISEXUALITE

Djuna Barnes se fiance avec Ernst Hanfstaengl, un diplômé de Harvard qui dirige la branche américaine de la maison d'édition d'art de sa famille. Ami de Franklin Delano Roosevelt, il est de plus en plus irrité par le sentiment anti-allemand qui sévit aux États-Unis, durant la Première Guerre mondiale. Il fait savoir à sa fiancée qu'il veut rompre avec elle, car il souhaite épouser une allemande. La rupture est douloureuse et Djuna voit son ex-fiancé partir pour l'Allemagne où il devient ensuite un proche collaborateur d'Hitler. A partir de 1916/1917, Djuna vit avec le philosophe et critique socialiste, Courtenay Lemon, mais cette relation prend vite fin sans que l'on sache vraiment pourquoi.
Durant cette période, elle entretient également une relation amoureuse et passionnée avec Mary Pyne Kemp, qui est journaliste à la New York Press, mais Pyne meurt de la tuberculose en 1919. Djuna va être à son chevet jusqu'à la fin. De sa bisexualité, elle dira qu'elle "n'avait aucun sentiment de culpabilité à l'égard du sexe".

 

Djuna Barnes, 1925
Djuna Barnes, 1925
 PARIS, RYDER et LADY'S ALMANACH

 1921, Djuna Barnes reçoit une commande lucrative du magazine McCall's qui la conduit à partir pour Paris, le centre du modernisme dans l'art et la littérature.

Dans son roman autobiographique sur l'avant-garde new-yorkaise, Post-Adolescence, Robert McAlmon inclut une vignette révélatrice qui rappelle comment Djuna Barnes et Mina Loy ont repris contact après la guerre. Les deux femmes, qui apparaissent sous des pseudonymes, entrent immédiatement en conversation, s'apaisant sur leurs difficultés respectives : pour le personnage de Djuna, les avortements multiples et le fardeau d'avoir dû supporter trois frères, un mari et tous ses amants ; pour le personnage de Mina, le deuil de la disparition de son mari.

Djuna arrive dans la capitale française avec une lettre d'introduction pour James Joyce qu'elle va interviewer pour le journal Vanity Fair et qui deviendra son ami. Elle le présente comme "l'une des figures les plus importantes de la littérature", mais ne commentera pas son livre "Ulysse" qu'elle trouve trop tourné vers l'esthétique de la fin du XIXe siècle. Elle préfère en effet se concentrer sur des sujets inhabituels pour l'époque.  A Paris, elle interview des collègues écrivains et artistes qui se sont expatriés et devient bien vite une des figures locales incontournable drapée dans sa cape noire et son esprit acerbe qui marque les esprits de l'époque. Ce qui lui vaudra de figurer dans de nombreuses biographies de ses contemporains d'alors. Elle n'a pas encore publié son premier roman mais sa réputation littéraire n'est déjà plus à faire, grâce notamment à sa nouvelle intitulée "A night among the horses" publiée dans The little review et réimprimée en 1923. Elle côtoie à Paris Natalie Barney qui devient une de ses amies et qui sera le personnage central de sa chronique satirique sur la vie lesbienne parisienne "Ladies Almanack".

Dans le livre, on y voit Natalie Barney dans le rôle de Dame Evangeline Musset ; Romaine Brooks dans le rôle de Cynic Sal ; Lily de Gramont (Duchesse Clitoressa de Natescourt) ; Radclyffe Hall (Tilly Tweed-in-blood) ; Mina Loy (Patience Scalpel); Janet Flanner et Solita Solano dans le rôle de Nip and Tuck.

En raison de son sujet, Ladies Almanack est publié dans une petite édition privée sous le pseudonyme "A Lady of Fashion". Des exemplaires sont vendus dans les rues de Paris par Barnes et ses amis. Elle réussi à en faire passer quelques-uns en fraude aux États-Unis. Un libraire, Edward Titus lui propose de vendre le roman dans son magasin en échange d'une mention sur la page de titre, mais lorsqu'il exige une part des royalties sur l'ensemble du tirage, Djuna Barnes est furieuse. 

 

Ladies Almanack, 1928 - Frontiespice

 Mais avant cela, elle publie "Ryder" qui parle d'un foyer polygame non conventionnel, très éloigné des attentes et de l'expérience de la plupart des lecteurs. "Ryder" est une part biographique de ce qu'elle a vécu enfant dans un foyer justement anti-conformiste où son père avait deux femmes à la maison.

Ryder, couverture livre djuna barnes

Malgré les difficultés du texte, le caractère paillard du livre, Ryder attire l'attention et devient brièvement un best-seller du New York Times. Cette popularité prend l'éditeur au dépourvu ; une première édition de 3 000 exemplaires se vend rapidement, mais le temps que d'autres exemplaires arrivent dans les librairies, l'intérêt du public s'est émoussé. 

Lawrence Vail, fils du peintre américain Eugene Laurence Vail, est l'amant de Djuna Barnes durant cette période ; il épousera, en 1922, la milliardaire et mécène Peggy Guggenheim qui va avoir une part importante dans la vie de Djuna Barnes

Djuna Barnes et Natalie Clifford Barney
Djuna Barnes et Natalie Clifford Barney
  THELMA WOOD

L'autre grande relation qu'entretiendra Djuna Barnes à Paris sera celle qu'elle aura avec Thelma Wood avec qui elle va vivre. Thelma est originaire du Kansas et est venue à Paris pour devenir sculptrice mais Natalie Barney lui suggère alors de se tourner vers le dessin à la pointe d'argent. Elle va réaliser des dessins d'animaux et de plantes et sera comparée par un critique à Henri Rousseau.

A l'hiver 1922, Wood et Barnes s'installent ensemble dans un appartement du boulevard Saint-Germain. Djuna se lie également d'amitié avec la baronne Elsa Von Freytag-Loringhoven, artiste Dada, avec laquelle elle entretiendra une correspondance intensive notamment en 1923. Djuna soutient financièrement la baronne qui part à Berlin en la fournissant en argent, vêtements, et magazines.  

Thelma Wood, djuna barnes girlfriend
Thelma Wood

 

L'avance obtenue par Djuna Barnes après avoir écrit "Ryder" lui permet d'acheter un nouvel appartement rue Saint-Romain, où elle vit avec Thelma Wood à partir de septembre 1927. Ce déménagement font d'elles les voisines de Mina Loy, une amie de Barnes depuis l'époque de Greenwich Village, qui apparaît dans Ladies Almanack dans le rôle de Patience Scalpel, le seul personnage hétérosexuel, qui " ne pouvait pas comprendre les femmes et leurs manières ".

Thelma Wood et Djuna Barnes
Thelma Wood et Djuna Barnes

Djuna Barnes dédie Ryder et Ladies Almanack à Thelma Wood, mais l'année de publication des deux livres - 1928 - est aussi celle de leur séparation. Barnes souhaitait que leur relation soit monogame, mais avait découvert que Wood avait une dépendance croissante à l'alcool - elle passait ses nuits à boire et à chercher des partenaires sexuels occasionnels et  Barnes la cherchait dans les cafés, et finissait souvent aussi ivre. Djuna rompt avec Wood à cause notamment de la relation de celle-ci avec l'héritière Henriette McCrea Metcalf (1888-1981), qui sera dépeinte de manière cinglante dans Nightwood sous le nom de Jenny Petherbridge.

 

 LES ANNEES 1930 et NIGHTWOOD

Durant les années 30, on retrouvera Djuna Barnes tantôt à Paris, tantôt en Angleterre, tantôt en Afrique du Nord.
C'est alors qu'elle séjourne à Hayford Hall, un manoir de campagne situé au cœur du Devon qu'elle écrit une grande partie de ce qui sera son livre "Nightwood" où on y reconnaît les figures du Paris des années 20 : « toutes singulières et talentueuses, toutes indépendantes et assoiffés de liberté, et toutes, ou presque, lesbiennes. » . Le manoir est loué par Peggy Guggenheim, collectionneuse d'art et héberge notamment Antonia White (romancière anglaise), et Emily Coleman (poétesse). Les soirées  sont rythmées par le jeu dont celui qui est appelé "Truth" et qui consiste comme son nom l'indique à dire la vérité, ce qui pouvait créer une atmosphère des plus tendue parmi les invités. C'est Emily Coleman qui avait avoir lu Nightwood permet à Barnes de faire des changements structurels majeurs à son œuvre. C'est également elle qui va insister pour que T.S. Eliot, éditeur à ce moment-là chez Faber and Faber le lise et l'édite en 1936 après que Charles Henri Ford avec qui Barnes va avoir une liaison à Tanger ait tapé pour elle " Nightwood " (1936).

 Le livre, qui comprend également des dessins de l’auteure, est plébiscité par la critique et encensé par William S. Burrough, qui en fait : « le plus grand livre du XXe siècle ». Quant à Thelma Wood, qui se reconnaît sous les traits de Robin Vote, elle ne reparla plus jamais à son ancienne amante.

 

 

Djuna Barnes
Djuna Barnes


Malgré de bonnes critiques donc, le livre ne se vend pas bien et les autres éditions ne feront pas mieux. Durant cette période, Djuna dépend largement du soutien financier de Peggy Gugenheim qui est sa mécène et maitresse. Barnes, malheureuse se met de plus en plus à boire - elle boit une bouteille de whisky par jour - et tombe souvent malade. En février 1939, elle se trouve dans un hôtel de Londres quand elle tente de se suicider. Guggenheim est toujours là pour l'aider, paye les médecins mais finit par la renvoyer à New York, fatiguée par son attitude. Djuna trouve refuge dans une chambre individuelle avec sa mère qui elle aussi est malade.

 

  LA DECHEANCE

En mars 1940, elle part dans un sanatorium au nord de l'état de New York, envoyée par sa famille dont elle songe à se venger en rédigeant une biographie acerbe. Elle écrit d'ailleurs à Emily Coleman "il n'y a plus aucune raison pour que je ressente pour eux autre chose que la haine".
Finalement, cette idée va voir le jour dans la pièce "The Antiphon".
A son retour, elle est rejetée par sa mère qui la met à la porte et Djuna se retrouve à la rue. N'ayant nul part où aller, elle reste dans l'appartement de Thelma Wood quand celle-ci ne s'y trouve pas et part deux mois dans un ranch en compagnie d'Emily Coleman et l'amant de celle-ci, Jake Scarborough. En septembre, elle revient à New York et s'installe dans un petit appartement au 5 Patchin Place dans Greenwich Village (c'est là qu'elle passera ses 41 dernières années).

5 Patchin Place dans Greenwich Village - Photo : Google street
5 Patchin Place dans Greenwich Village - Photo : Google street


Djuna continue à boire et n'écrit pratiquement plus. Elle ne doit sa survie qu'à la générosité de Peggy Gugenheim qui accepte de lui donner une petite allocation et à Emily Coleman qui lui verse 20 dollars par mois. C'est encore Guggenheim qui va lui permettre de sortir la tête de l'eau en la faisant participer à l'exposition "Exhibition by 31 Women" à la galerie Art of This Century de New York.

En 1946, elle travaille pour Henry Holt en tant que lectrice de manuscrits, mais ses rapports avec lui sont difficiles et elle finit par être licenciée.
Heureusement, en 1950, elle finit par comprendre que l'alcool est un poison et surtout qu'il l'empêche de créer. Elle décide dès lors d'arrêter de boire et commence à travailler sur sa fameuse pièce biographique "The Antiphon". Djuna dira de cette pièce "J'ai écrit The Antiphon avec les dents serrées, et j'ai remarqué que mon écriture était aussi sauvage qu'un poignard ".
Après la pièce, elle se remet aux poèmes qu'elle travaille et retravaille, produisant jusqu'à 500 brouillons. Elle écrit huit heures par jour, malgré une santé qui s'étiole de jour en jour avec une arthrite qui l'empêche parfois à s'asseoir devant sa machine à écrire. Plusieurs de ses poèmes ne seront jamais finalisés et seuls quelques-uns seront publiés de son vivant.

portrait de Djuna Barnes en 1957
Djuna Barnes en 1957

 

Recluse dans son appartement, elle se méfie de tout le monde et surtout de ceux qu'elle ne connait pas. Et pourtant, elle avait de nombreux admirateurs connus qui venaient s'enquérir d'elle comme E.E. Cummings qui vivait de l'autre côté de la rue, Anaïs Nin, qui l'a même invité à participer à un journal sur l'écriture féminine mais qu'elle déteste, Bertha Harris qui mettait des roses dans sa boite aux lettres. 
Quand la librairie féministe Djuna Books en son hommage voit le jour à Greenwich Village, elle exige que le nom soit changé.

En 1961, elle est élue au National Institute of Arts and Letters et reçoit une bourse senior du National Endowment for the Arts en 1981. Bien que quasi recluse, Djuna Barnes se lie d’amitié avec Dag Hammerskjold, Secrétaire général de l’ONU, lequel, emballé par The Antiphon, se charge non seulement de la traduire en suédois mais aussi de la faire jouer en 1962, à Stockholm.

Pendant les 20 ans qui suivent, Djuna Barnes n’a de cesse d’écrire, toujours avec la manière particulière qui la caractérise, toujours affamée de toutes les sortes de formes littéraires : poésie, nouvelle, roman, théâtre etc. Ses œuvres ne sont pas ou peu rééditées de son vivant et sont alors introuvables. C’est pourquoi plusieurs de ses amis, appuyés par des éditeurs qui flairent l’impact que peut avoir cette auteure dans leur catalogue, décident de rééditer tantôt des recueils de nouvelles, tantôt ses œuvres complètes.

En France, ce sera notamment Monica Wittig qui la refera découvrir.

Djuna Barnes décède dans son appartement de New York, le 18 juin 1982, six jours après son 90è anniversaire.  

 

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Djuna Barnes

 

 LES AMANTES

 Djuna Barnes a eu de nombreuses maitresses. Parmi elles, on peut compter la photographe Berenice Abbott, Peggy Guggenheim, Emily Coleman, Natalie Clifford Barney, la baronne Elsa von Freytag-Loringhoven et, l'héritière de la marine marchande Bryher, l'écrivaine née Winifred Ellerman, la seule femme dans le milieu général des lesbiennes européennes plus riche que Natalie Barney, qui a également donné de l'argent à Djuna Barnes pour lui permettre de vivre.

Mais de toutes les femmes qu'elle a connue, la seule pour qui elle a ressenti un véritable amour fut pour Thelma Wood et affirmera "Je ne suis pas lesbienne, j'ai juste aimé Thelma".

 

Amantes de djuna barnes
Amantes de djuna barnes

 

 

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Sources :
- http://www.elisarolle.com/queerplaces/ch-d-e/Djuna%20Barnes.html
- https://en.wikipedia.org/wiki/Djuna_Barnes
- https://www.jeanne-magazine.com/le-magazine/2020/04/19/portrait-djuna-barnes-la-plus-celebre-inconnue-du-siecle_19354/
- https://digital.lib.umd.edu/image?pid=umd:92027
- https://echos-de-mon-grenier.blogspot.com/2015/03/deux-femmes-dans-le-nombril-du-monde.html

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